La casa de papel / Analyse structurelle des personnages de la série
Je suis à l’épisode 7 de la 2e saison.
Ainsi, mes analyses se basent sur les éléments obtenus jusque-là. Il est clair que les scénaristes ne connaissent pas la psychologie structurelle. Mais, comme c’est le cas des séries « Les Experts » et celle qui met en scène le Dr House, il est possible d’effectuer une analyse structurelle de la personnalité des personnages. En effet, les réalisateurs et scénaristes observent le monde et arrivent aux mêmes conclusions. Avec quelques imprécisions : comme celle de décrire le cannibale Hannibal Lecter comme un sujet symbolisant (lire cet article pour une explication du terme), capable d’une trop grande intersubjectivité relationnelle quand il traque Clarisse.
Tout part en vrille dans ce braquage parce que le Professeur, malgré sa grande intelligence, ne pouvait pas maîtriser toutes les variables psychologiques dans les relations qui allaient s’instaurer entre les membres de la bande. Cela ne suffit pas de poser des règles d’anonymat pour échapper à ces variables. En effet, le Professeur avait édicté des règles, espérant tout garder sous contrôle. Comme il range ses chemises par couleurs et qu’il utilise sa minutie au service de pliages en origami ! Mais… peut-on vraiment demander à des repris de justice de respecter les règles ?
Le Professeur est décrit comme un sujet HP. Mais il a emprunté l’idée du plan à son père. Il poursuit le travail de ce dernier en croyant possible une fin heureuse, sans aucune victime. N’est-ce pas illusoire ? Nous savons tous que, même s’il n’y a pas de morts au final, le traumatisme psychologique peut provoquer la mort psychique…
Diagnostiquons les recrues :
Tokyo. Une bleue (pour un premier aperçu des couleurs, voir ce flyer) au coeur pur, mais traumatisée, capable de se transformer en monstre si le stress est trop intense et que sa survie est en jeu. On la voit souvent en mode combat. Elle a dû en goûter, du bitume… Mais c’est une amoureuse. Elle oscille dans sa relation à Rio. À la fois elle sent bien qui elle est, ce dont elle a besoin, pas d’une vie de famille, pas de vivre avec un jeunet. Mais elle l’aime ce mec. La preuve? Elle est jalouse si une autre s’en approche…
Tokyo. À la recherche du bon père : qu’elle a cru trouver en la personne du Professeur, qui lui a déjà sauvé la vie une première fois. Mais elle croit qu’il l’a trahie, alors elle donne son prénom aux flics… Avant de voir qu’elle peut toujours compter sur son ange gardien.
Et puis, Tokyo : condamnée à répéter le traumatisme d’être celle par qui les hommes meurent ?
Nairobi : un si beau nez ! Extrêmement intelligente, sensible et sensée. Elle ne laissera pas les mâles prendre le pouvoir sur elle. Excellente manager : son fidèle employé l’apprécie tant ! Elle sait insuffler de la motivation. Mais, à un moment, elle craque ! Sensible, j’avais dit… et animée par l’espoir de retrouver son enfant, espoir fauché par la méchanceté de Tokyo en mode combat. Elle est dissociée, cette Tokyo. Les chamanes diraient qu’elle a besoin de recouvrer son âme.
Rio et Denver se ressemblent : eux aussi sont des amoureux. Des cœurs tendres. Comme Moscou, le père de Denver. Qui se préoccupe pour son enfant. Et gaffe comme un père bleu.
Alors, pas l’ombre d’un vert ni d’un rose dans cette liste de truands ? Pas de vert, c’est sûr. Les scénaristes n’ont pas tenté de définir un pervers (de structure). Ils croient peut-être le faire avec Berlin. Mais Berlin est un rose : c’est un psychopathe. Tous les roses ne sont pas psychopathes. Mais tous les psychopathes sont roses.
Vous voulez un exemple de vert dans une série télévisée, pour bien circonscrire le type de personnage ? Alors regardez les épisodes du Dr House : et oui, le Dr House en personne est un vert ! Egocentré, passablement handicapé des sentiments, mais tellement lucide, et tellement intersubjectif ! Capable de parler le même langage que les bleus… avec le cynisme désespéré de ceux qui ont vécu trop de désamour pour y croire encore…
Berlin. Le psychopathe, donc. Ce doit être dur d’être dans sa peau : courir après les sensations, pour enfin obtenir un semblant de frisson ! Il garde la tête froide, profite de tous les instants possibles qui font battre son coeur. Victime d’un cerveau qui ne peut pas lui permettre de vibrer, sentir, aimer.
Vision d’horreur tout de même quand Berlin « plaisante » à propos de bébés de lui qu’il ferait à Ariana, des Berlin juniors courant nus sur la plage… Heureusement que la psychopathie ne se transmet pas ! Mais ça, Ariana ne le sait pas…
Oslo est un personnage plus que secondaire. Il ne parle pas. Il ne nous est donc pas possible de déterminer sa structure. Helsinki est décrit comme un bleu. Je me m’y attarderai pas.
Quant aux otages, Arturo est le plus intéressant jusqu’ici : un homme qu’on dirait sans couilles, pris comme il est entre son épouse et sa maîtresse, incapable de faire un choix. Comme tant d’hommes bleus… Il lance d’abord les autres au front, au lieu de se proposer lui comme héros. Les héros sont ceux qui jouent leur peau, nous dit Taleb.
Mais Arturo commence à choper des couilles quand il affronte Denver, qui a volé le coeur de sa maîtresse. Ah, donc, le courage viendrait avec le besoin de se sentir mâle ?
L’inspectrice, elle, mérite sa place dans l’analyse. Mais elle est tout simplement tranquillement pure et très, très intelligente. Et si belle.
Raquel. J’adore la façon dont elle attache ses cheveux à chaque fois qu’elle parle avec le cerveau de la prise d’otages. Et qu’elle les détache quand la conversation est finie. Je ne sais pas ce que cela signifie : qu’elle se concentre ? Peut-être…
L’on se demande avant l’épisode 5 de cette 2e partie à quelle occasion le scénariste aura besoin de permettre à Raquel de comprendre qui est son amant… Allez, motus.
Comme me l’a enseigné l’un de mes professeurs de cinéma, aucun personnage ne doit être totalement mauvais. Si cette série fonctionne, c’est que les truands sont, pour une part, aimables. C’est avant tout le scénariste et le réalisateur qui doivent aimer leurs personnages. Tous leurs personnages. Sinon, le film ne fonctionne pas.
On arrive même à avoir un faible pour Berlin. Pourquoi ? Par quel miracle ? Peut-être parce que l’on sent son urgence à ressentir. Ou parce que le Professeur, qui nous est cher, l’aime, lui.
Cela me rappelle le final du film Frost/Nixon (2008), de Ron Howard : Nixon est imbuvable durant tout le film. Mais, à la toute fin, on voit pointer sa fragilité extrême, et l’on se met à l’aimer…
En conclusion : il y a tellement d’amour dans La casa de papel ! Pas étonnant que cela ait plu aux gens. Dans ce monde de brutes, on a tous besoin d’amour.
La suite ? Le site pause-webzine.com. Vous en apprendrez davantage sur l’âme humaine en y suivant mes articles de blog, ainsi qu’à propos d’autres disciplines en lisant ceux de mes collègues rédacteurs, dans quelques temps. Le temps qu’on s’y mette sérieusement.