Saison 3 : et Tokyo la HP s’ennuie…

Tokyo : mon héroïne. Elle va au bout de ses envies.

Comme je l’envie !!

Elle s’éclate avec son chéri sur une plage de sable blanc. Mais vite, très vite, son besoin d’adrénaline lui saute à la gorge.

Alors elle part. Elle le quitte. Et c’est le début d’un second braquage. Parce que Rio se fera prendre.

Tokyo va donc au bout de ses envies.

Mais après, elle dit :

« Coupable. Coupable. C’est ce que je ressentais. En pensant à chaque instant de bonheur que j’avais passé avec Rio. Depuis que nous étions vraiment libres ».

Si c’est pas bleu, ça ? (pour les couleurs, voir ici).

En visionnant le 1er épisode de cette 3e saison, l’on se dit que cette femme continue de porter la poisse. Que tout le monde tombe toujours après le passage de Tokyo…

Rio emprisonné et tortué. Son amour…

En tous les cas, le personnage de Tokyo illustre à la perfection les affres de l’attachement insécure d’un être bleu.

Le Professeur, lui, tient à la cohésion de sa famille : « la bande ». La solidarité est de mise. Et il est leur père protecteur à tous. Rares sont les séries où les personnages sont tous aussi… bleus de structure ! Il y a bien NCIS, c’est vrai.

Petit retour sur Berlin, puisqu’il reviendra par flash-backs. Il montre trop de sentiments, dès la fin de la 2e saison, pour être un vrai psychopathe. Aux portes de la mort, il éprouverait enfin ce qu’éprouvent les bleus ? Pas crédible cliniquement. Mais tout le monde aimerait tellement que ce soit possible…

Cette série est éminemment politique. C’est un pamphlet résistant. On le comprend vraiment au début de cette 3e saison. À la fin de la précédente, Raquel s’est ralliée à la cause de son amant. Parce que c’est la bonne. Les voleurs ne sont pas ceux que l’ont croit. Les voleurs ne sont pas les braqueurs en uniforme rouge portant le masque de Dali (ah, voilà, on tient ici un deuxième personnage rose en la personne de l’artiste).

Il n’y a rien de plus résistant que le cinéma. Et cette série, c’est du cinéma.

La cause des braqueurs est devenu combat politique dans la rue. Les citoyens qui portent le rouge et agitent des drapeaux à l’effigie du peintre espagnol sont les gilets jaunes des Français.

Dans cette 3e saison, le Professeur et ses recrues (ainsi que les pièces rapportées) sont devenus des putains de résistants de l’ETA. Ces gens qui savent que pour mener une révolution il faudra sacrifier des ressentis. Parfois des vies.

La casa de papel, c’est donc bien plus qu’une série : c’est un acte militant.

Et puis, dans cet objet multimédia, il y a les leçons de vie dispensées par Nairobi. Elle s’exprime toujours avec le coeur. Leçon sur l’amour lorsqu’elle se fâche avec Palerme au sujet de son « Helsie ».

Oui, tiens : Palerme. Je crois bien qu’on le tient notre premier vert ! (il y avait bien « Arturito » mais le personnage est en fait un mix de vert et de bleu). Le nouveau commandant du braquage sur place. Un bon HP lui aussi.

Il blesse Nairobi parce qu’il a raison. C’est un foutu vert lucide qui blesse en parlant des sentiments profonds de son vis-à-vis. On est toujours dans l’attaque relationnelle avec un vert. Toujours. Berlin ne sait pas le faire, toucher là où ça fait vraiment mal. Comme je le précisais quand je parlais du personnage d’Hannibal Lecter.

Mais elle ne se laissera pas faire notre Nairobi. Elle est plus forte que ça. Elle sait ce qu’est la liberté, et elle tente de transmettre le concept à sa petite soeur Tokyo.

Cette Tokyo qui avait bien besoin d’un papa comme le Professeur. Maintenant, Raquel et son homme sont les bons parents bleus qui veillent de loin sur leur progéniture.

Comme Moscou a veillé sur Denver, ce qui a permis à ce dernier de devenir un homme qui assume ses responsabilités. En effet, combien de destins masculins brisés par l’impossibilité à s’identifier à leur père rose et à devenir des hommes solides et posés ?

Surtout, je ne vous gâche pas le plaisir du dernier épisode de cette 3e saison : je ne piperai mot. Regardez-le. C’est une pépite de génie en soi. Je ne parle pas de la tournure des événements (même si c’est fort là aussi), mais de la démonstration de la façon (différentielle) dont les êtres humains réagissent à la rupture amoureuse, fonction du style d’attachement.

J’ai toujours dit que le cinéma m’apprenait à vivre. Ces dernières années, j’ai passé bien trop de temps sans profiter de cet enseignement.

Les réalisateurs ne seraient-ils pas les chamanes de nos sociétés à nous ? Ceux qui se rendent dans des mondes imaginaires pour en rapporter des histoires en forme de réponses à nos questions… Oui, parce que comme le chante Steve Hogarth : « Finding the answer is a human obsession… ».

Moi, je crois que si. Je crois que là est leur mission. Et quand on songe à la qualité de tant de séries et de longs-métrages qui nous sont accessibles, l’on se dit que nos sages à nous n’ont rien perdu de la superbe de leurs ancêtres.

Certains compositeurs et interprètes en font également partie. Comme ce Steve Hogarth, le chanteur de Marillion. Lui aussi aborde la thématique de La casa de papel, dans ce magnifique morceau :

This is the 21st century

Flash to crash and burn

Nobody’s gonna give you anything

For nothing in return

There’s a man up in a mirrored building

And he just bought the world

Would you want

To have kids

Growing up

Into what’s left of this ?

She shook her head,

She said « Can’t you see ?

The world is you

The world is me. »

La casa de papel / Analyse structurelle des personnages de la série

Je suis à l’épisode 7 de la 2e saison.

Ainsi, mes analyses se basent sur les éléments obtenus jusque-là. Il est clair que les scénaristes ne connaissent pas la psychologie structurelle. Mais, comme c’est le cas des séries « Les Experts » et celle qui met en scène le Dr House, il est possible d’effectuer une analyse structurelle de la personnalité des personnages. En effet, les réalisateurs et scénaristes observent le monde et arrivent aux mêmes conclusions. Avec quelques imprécisions : comme celle de décrire le cannibale Hannibal Lecter comme un sujet symbolisant (lire cet article pour une explication du terme), capable d’une trop grande intersubjectivité relationnelle quand il traque Clarisse.

Tout part en vrille dans ce braquage parce que le Professeur, malgré sa grande intelligence, ne pouvait pas maîtriser toutes les variables psychologiques dans les relations qui allaient s’instaurer entre les membres de la bande. Cela ne suffit pas de poser des règles d’anonymat pour échapper à ces variables. En effet, le Professeur avait édicté des règles, espérant tout garder sous contrôle. Comme il range ses chemises par couleurs et qu’il utilise sa minutie au service de pliages en origami ! Mais… peut-on vraiment demander à des repris de justice de respecter les règles ?

Le Professeur est décrit comme un sujet HP. Mais il a emprunté l’idée du plan à son père. Il poursuit le travail de ce dernier en croyant possible une fin heureuse, sans aucune victime. N’est-ce pas illusoire ? Nous savons tous que, même s’il n’y a pas de morts au final, le traumatisme psychologique peut provoquer la mort psychique…

Diagnostiquons les recrues :

Tokyo. Une bleue (pour un premier aperçu des couleurs, voir ce flyer) au coeur pur, mais traumatisée, capable de se transformer en monstre si le stress est trop intense et que sa survie est en jeu. On la voit souvent en mode combat. Elle a dû en goûter, du bitume… Mais c’est une amoureuse. Elle oscille dans sa relation à Rio. À la fois elle sent bien qui elle est, ce dont elle a besoin, pas d’une vie de famille, pas de vivre avec un jeunet. Mais elle l’aime ce mec. La preuve? Elle est jalouse si une autre s’en approche…

Tokyo. À la recherche du bon père : qu’elle a cru trouver en la personne du Professeur, qui lui a déjà sauvé la vie une première fois. Mais elle croit qu’il l’a trahie, alors elle donne son prénom aux flics… Avant de voir qu’elle peut toujours compter sur son ange gardien.

Et puis, Tokyo : condamnée à répéter le traumatisme d’être celle par qui les hommes meurent ?

Nairobi : un si beau nez ! Extrêmement intelligente, sensible et sensée. Elle ne laissera pas les mâles prendre le pouvoir sur elle. Excellente manager : son fidèle employé l’apprécie tant ! Elle sait insuffler de la motivation. Mais, à un moment, elle craque ! Sensible, j’avais dit… et animée par l’espoir de retrouver son enfant, espoir fauché par la méchanceté de Tokyo en mode combat. Elle est dissociée, cette Tokyo. Les chamanes diraient qu’elle a besoin de recouvrer son âme.

Rio et Denver se ressemblent : eux aussi sont des amoureux. Des cœurs tendres. Comme Moscou, le père de Denver. Qui se préoccupe pour son enfant. Et gaffe comme un père bleu.

Alors, pas l’ombre d’un vert ni d’un rose dans cette liste de truands ? Pas de vert, c’est sûr. Les scénaristes n’ont pas tenté de définir un pervers (de structure). Ils croient peut-être le faire avec Berlin. Mais Berlin est un rose : c’est un psychopathe. Tous les roses ne sont pas psychopathes. Mais tous les psychopathes sont roses.

Vous voulez un exemple de vert dans une série télévisée, pour bien circonscrire le type de personnage ? Alors regardez les épisodes du Dr House : et oui, le Dr House en personne est un vert ! Egocentré, passablement handicapé des sentiments, mais tellement lucide, et tellement intersubjectif ! Capable de parler le même langage que les bleus… avec le cynisme désespéré de ceux qui ont vécu trop de désamour pour y croire encore… 

Berlin. Le psychopathe, donc. Ce doit être dur d’être dans sa peau : courir après les sensations, pour enfin obtenir un semblant de frisson ! Il garde la tête froide, profite de tous les instants possibles qui font battre son coeur. Victime d’un cerveau qui ne peut pas lui permettre de vibrer, sentir, aimer.

Vision d’horreur tout de même quand Berlin « plaisante » à propos de bébés de lui qu’il ferait à Ariana, des Berlin juniors courant nus sur la plage… Heureusement que la psychopathie ne se transmet pas ! Mais ça, Ariana ne le sait pas…

Oslo est un personnage plus que secondaire. Il ne parle pas. Il ne nous est donc pas possible de déterminer sa structure. Helsinki est décrit comme un bleu. Je me m’y attarderai pas.

Quant aux otages, Arturo est le plus intéressant jusqu’ici : un homme qu’on dirait sans couilles, pris comme il est entre son épouse et sa maîtresse, incapable de faire un choix. Comme tant d’hommes bleus… Il lance d’abord les autres au front, au lieu de se proposer lui comme héros. Les héros sont ceux qui jouent leur peau, nous dit Taleb.

Mais Arturo commence à choper des couilles quand il affronte Denver, qui a volé le coeur de sa maîtresse. Ah, donc, le courage viendrait avec le besoin de se sentir mâle ?

L’inspectrice, elle, mérite sa place dans l’analyse. Mais elle est tout simplement tranquillement pure et très, très intelligente. Et si belle.

Raquel. J’adore la façon dont elle attache ses cheveux à chaque fois qu’elle parle avec le cerveau de la prise d’otages. Et qu’elle les détache quand la conversation est finie. Je ne sais pas ce que cela signifie : qu’elle se concentre ? Peut-être…

L’on se demande avant l’épisode 5 de cette 2e partie à quelle occasion le scénariste aura besoin de permettre à Raquel de comprendre qui est son amant… Allez, motus.

Comme me l’a enseigné l’un de mes professeurs de cinéma, aucun personnage ne doit être totalement mauvais. Si cette série fonctionne, c’est que les truands sont, pour une part, aimables. C’est avant tout le scénariste et le réalisateur qui doivent aimer leurs personnages. Tous leurs personnages. Sinon, le film ne fonctionne pas.

On arrive même à avoir un faible pour Berlin. Pourquoi ? Par quel miracle ? Peut-être parce que l’on sent son urgence à ressentir. Ou parce que le Professeur, qui nous est cher, l’aime, lui.

Cela me rappelle le final du film Frost/Nixon (2008), de Ron Howard : Nixon est imbuvable durant tout le film. Mais, à la toute fin, on voit pointer sa fragilité extrême, et l’on se met à l’aimer

En conclusion : il y a tellement d’amour dans La casa de papel ! Pas étonnant que cela ait plu aux gens. Dans ce monde de brutes, on a tous besoin d’amour.

La suite ? Le site pause-webzine.com. Vous en apprendrez davantage sur l’âme humaine en y suivant mes articles de blog, ainsi qu’à propos d’autres disciplines en lisant ceux de mes collègues rédacteurs, dans quelques temps. Le temps qu’on s’y mette sérieusement.