Dans le guide d’évaluation des compétences parentales que j’ai fait paraître sur Apple Books il y a de cela trois ans maintenant, j’évoquais que les structures psychiques ne sont pas égales en matière de passage à l’acte criminel pédophile. Les situations dans lesquelles les pères (en particulier) sont accusés à tort par leur ex-compagne d’avoir abusé de leurs enfants existent bel et bien, et sont dévastatrices. En effet, si les experts déterminaient précisément la structure psychique de ces pères, ils s’apercevraient que le passage à l’acte supposé n’a pas pu avoir lieu.
Dans le présent article, je reproduis le chapitre complet de mon guide consacré à cette question particulière.
Souvenez-vous du tableau qui place les couleurs structurelles en fonction de leur rapport à la Loi/loi. Automatiquement, vous comprendrez que les bleus n’abusent pas des enfants.
L’une des Lois que l’on nomme Lois œdipiennes est ce que l’on appelle « la reconnaissance de la différence des générations ». Cela signifie que tout humain symbolisant dont le psychisme est sain sait ceci : être un enfant ce n’est pas la même chose qu’être un adulte. En outre, il sait également que ce dernier statut implique des responsabilités vis-à-vis des êtres non finis de notre espèce.
Cela signifie également que le sujet qui reconnaît cette Loi prendra soin de manière naturelle de ses frères et sœurs moins âgés que lui, ou porteurs d’un handicap : en effet, les sujets bleus ont un sens inné des responsabilités vis-à-vis des plus démunis des membres de leur fratrie. Il arrive d’ailleurs parfois que ces enfants s’occupent des besoins de leurs parents lorsque ce sont ces derniers qui se montrent démunis. Lorsqu’ils tentent de le faire avec un parent capable, à l’occasion d’un moment de détresse que ce dernier traversera, la Loi reprendra place puisque tel parent rappellera à l’enfant que c’est lui qui est responsable de protéger son enfant (et pas le contraire). Dans un monde de bleus, les Lois œdipiennes régulent les relations entre les membres d’une famille et permettent que les rôles de chacun soient correctement alignés. Vivre entre bleus, c’est toujours tendre vers ce qui est juste. Vivre avec des verts ou des roses, c’est sans cesse tendre vers un contre-sens à ce qui est juste.
Partant, ce sont les sujets sociopathiques qui passeront à l’acte sur des enfants et oublieront à la fois le rôle qu’ils sont censés jouer auprès des sujets en développement de notre espèce, ainsi que l’immaturité sexuelle et l’incapacité à consentir à une relation sexuelle propre à tout enfant. Qui sont donc les individus que je définis comme « sociopathiques » ? Et bien, ce sont tous ceux de notre espèce qui connaissent certaines règles mais qui n’ont pas intégré les Lois symboliques (donc les structures roses) ainsi que tous ceux qui sont dans l’ordre du symbolique mais dont les normes internes ont dévié, ou se sont élargies, sur certains sujets (donc les sujets verts, sujets transgressifs).
Précisons : tous les roses et tous les verts ne passeront pas à l’acte sexuel sur des enfants. Certains seulement. Mais si vous avez face à vous un individu d’une telle couleur, et qu’un soupçon pèse sur lui à ce sujet, vous devez poser l’hypothèse qu’il ait pu le faire, en première analyse. Par contre, aucun sujet bleu de structure ne l’a jamais fait à ma connaissance, ce qui est compatible avec le modèle selon lequel l’individu bleu respecte les Lois œdipiennes. Un auteur, Hubert Van Gijseghem, évoque dans l’un de ses ouvrages relatifs à la typologie des agresseurs sexuels (La personnalité de l’abuseur sexuel, 1988) la possibilité d’un tel passage à l’acte chez le sujet névrotique (bleu). Mais il précise que ceci est très rare, que cela a lieu en général pendant une phase dépressive de l’auteur, et sera non réitéré. Personnellement, j’ai en mémoire deux situations seulement impliquant un sujet bleu : un homme condamné par la justice qui entretenait à 19 ans des relations consenties avec une jeune fille de 15 ans (elle n’a pas porté plainte, le « délit » a été poursuivi d’office au nom de la loi selon laquelle l’écart d’âge était trop important) ainsi qu’une situation de dérapage contrôlé très rapidement entre un beau-père et sa belle-fille devenue pubère (une seule caresse trop explicite puis le retrait total de l’auteur qui a de suite mesuré l’ampleur de la portée de son acte). Le sujet bleu qui dérape une fois ne le fera plus, puisque son économie psychique est basée sur le sentiment de culpabilité.
Notez bien ceci : le risque de passage à l’acte sexuel sur enfant ou de viol d’un adulte, de la part d’un sujet de structure psychique bleue, m’apparaît nul. Par contre, il existe bien des sujets bleus qui ont tué leurs enfants, dans un contexte dissociatif. J’évoquerai ce point en détail dans l’ouvrage à paraître que je consacrerai au profilage criminel.
Cela ne veut pas dire que les sujets bleus ne peuvent pas fantasmer des actes sexuels avec des enfants. J’ai en mémoire le témoignage d’un homme (vous le trouverez sous le prénom de Badredine dans ce documentaire) qui avait été abusé a partir de l’âge de trois ans, et qui fantasmait sur les fillettes de cet âge, mais qui craignait comme la peste de passer à l’acte. Devaient s’être liés chez lui, au moment du traumatisme subi, pulsion sexuelle en développement et plaisir physique lié à toute stimulation des zones érogènes. Un travail psycho-sensoriel accompagné par un professionnel et revisitant les abus pour traverser le traumatisme devrait lui permettre de se débarrasser de ces fantasmes qui le handicapent.
En matière de maltraitance à enfants, les abus sexuels prennent une place toute particulière. La légitimité de frapper un enfant se discute encore parfois entre ceux qui considèrent que tout châtiment corporel est inadmissible et ceux qui pensent qu’une baffe ou une fessée « n’a jamais tué personne », et d’ailleurs la jurisprudence suisse accepte un « droit de correction » dans certaines circonstances. Mais le fait d’entretenir des relations sexuelles avec des enfants, ou de les approcher sexuellement (attouchements), en particulier lorsqu’il s’agit des siens, relève du tabou ultime.
Par ailleurs, moult précautions sont prises dans ces situations. Les intervenants en protection des mineurs le savent bien : la nécessité d’un témoignage non influencé des enfants dans ces situations permet aux professionnels de retirer un enfant aux bons soins de ses parents sans les en informer au préalable comme il est d’usage. En effet, dans ces cas, la police prend rapidement le relais pour entendre les enfants dans des conditions strictes, souvent en présence d’un psychologue détaché pour l’occasion, et filme leur témoignage.
En matière d’agressions sexuelles ayant lieu à l’extérieur de la famille, le risque qu’un enfant soit victime augmente lorsque ses parents présentent des écueils au niveau de leurs capacités parentales. En effet, celui qui a grandi dans un milieu sécurisant se sent en confiance à la fois pour rapporter à ses parents toute tentative à son encontre, mais également pour ne pas céder à la menace si fréquemment utilisée par les auteurs d’abus pour maintenir l’enfant dans le secret par le silence en cas de passage à l’acte (« Si tu parles, tu iras en prison/j’irai en prison/tes parents auront des problèmes »).
Je me souviens d’un auteur d’abus sexuels vert dont j’assurais le suivi et qui me disait que ses victimes étaient choisies parce qu’elles étaient livrées à elles-mêmes. Ainsi, un abuseur peut facilement se frayer un chemin vers sa proie quand l’un ou les deux parents de l’enfant victime sont des sujets de structure rose, puisque ces derniers n’offrent pas de protection à leur progéniture. Souvenez-vous de ce qu’il s’est passé pour les victimes de Michael Jackson qui s’expriment dans le documentaire déjà cité. D’après l’analyse que j’ai faite de la situation, ces hommes avaient tous les deux un père rose. Comme déjà souligné, aucun homme bleu n’aurait laissé son garçon passer toutes les nuits de sa jeune vie dans la chambre d’hôtel d’un homme adulte.
Il arrive également que les faits se produisent sous le toit des parents roses : ces derniers sont en effet pour la majorité d’entre eux incapables d’anticiper ce qu’il se trame dans la chambre de leurs enfants ou de leurs proches installés à la maison, mais également d’entendre les signes de détresse des petites victimes.
Ce qui est profondément injuste, c’est le fait que ce sont d’abord les enfants qui sont déjà fragilisés par leur milieu familial qui seront abusés.
Les traumatismes vécus par les enfants abusés sexuellement les suivent leur vie entière, mais de manière différentielle en fonction de la structure. Le sujet bleu fera tout pour ne pas passer à l’acte quand les deux autres structures seront moins regardantes… du fait de leur défaut relatif au sentiment de culpabilité et à la notion de responsabilité d’un adulte envers un enfant.
En cas d’abus sexuels dans l’enfance, les hommes bleus deviennent inhibés dans les relations sexuelles ou violents physiquement avec des hommes adultes qui représentent un danger. Ils peuvent également fantasmer un passage à l’acte sur enfant à cause de la trace en mémoire de l’excitation alors vécue en tant qu’enfant. Mais ils ne toucheront pas un enfant. Les hommes roses répètent le trauma sur d’autres enfants. Chez les verts, cela dépend de la construction de leur fétiche : si leur objet sexuel fétiche est un enfant, ils n’auront de cesse de passer à l’acte. Ce qui fera d’eux des prédateurs redoutables pouvant faire un très grand nombre de victimes, prédateurs d’autant plus redoutables qu’ils sont capables de manipuler de manière très subtile leurs proies afin d’obtenir leur confiance et de passer à l’acte en toute inquiétude.
Je ne possède pas suffisamment de données cliniques liées aux femmes auteurs d’abus sexuel pour en dire davantage sur cette catégorie particulière qui est peu étudiée, mais les caractéristiques structurelles s’appliqueront évidemment.
Cliquez sur l’image pour accéder au guide complet sur Apple Books
Ce mini-guide d’introduction aux couleurs psychiques (les trois structures de la personnalité humaine), qui compte une dizaine de pages, est mis à votre disposition ci-dessous en version .pdf.
La psychologie structurelle est l’outilindispensable à l’analyse et au traitementdes affairespsycho-légales. Comme je l’ai déjà mentionné dans plusieurs écrits (articles sur la psycho structurelle, le profilage structuraliste, le passage à l’acte terroriste, la structure non symbolisante), il existe trois façons d’être au monde qui conditionnent de manière différentielle le type de passage à l’acte criminel et son sens. Dans le présent article, puis dans les suivants, j’évoquerai en plusieurs actes sept affaires criminelles dans le but de présenter, sans entrer dans tous les détails, la façon dont il s’agit de réfléchir sur le plan clinique pour aboutir à des hypothèses valables en terme de fonctionnement de personnalité. En un mot, pour comprendre qui a pu commettre le crime et pourquoi.
Dans l’Acte I, il s’agira de revenir sur les affaires Alexia Daval, Mary Jo Buttafuoco, Valérie Bary, Magali Delavaud et Meredith Kercher (les noms donnés sont ceux des victimes).
L’Acte II reviendra sur les allégations de pédophilie à l’encontre de Michael Jackson, et je m’appuierai sur l’indispensable documentaire Leaving Neverland réalisé par Dan Reed en 2019 pour illustrer la logique de tels abus lorsqu’ils sont commis par un individu non symbolisant (le terme est de moi, voir cet article pour un aperçu de la notion), ainsi que pour évoquer leur impact sur les victimes et leur famille.
Enfin, l’Acte III me verra donner ma conclusion relative à une énigme encore récemment en suspens pour moi : quelle est la couleur psychique de Bertrand Cantat et comment explique-t-elle la violence conjugale dont cet homme semble avoir fait preuve tout au long de sa vie amoureuse ?
Cette série d’articles profitera avant tout aux policiers, profilers, juges d’instruction, psychologues et psychiatres légaux ainsi qu’aux psycho-criminologues, mais également à toutes les personnes intéressées par les affaires criminelles et le comportement humain. Ma pratique clinique m’a montré que nombre de mes patients haut potentiel sont interpellés par ce type d’affaires. Je décèle également le haut potentiel chez de nombreux journalistes spécialisés dans le champ judiciaire.
Je rappelle en préambule qu’ils existe trois couleurs psychiques que je définis précisément dans mon ouvrage à paraître (pour un aperçu rapide, voir le flyer de présentation des supervisions et formations que je propose aux professionnels du secteur). Dans le présent article, les génogrammes qui sont présentés en regard de chaque affaire font état de mes hypothèses relatives à la couleur psychique des individus qui les composent. Les raisons qui me poussent à diagnostiquer chaque individu sont clairement définissables mais toutes ne sont pas évoquées dans l’article. En effet, pour diagnostiquer une structure, il s’agit de tenir compte d’un faisceau d’indices, et pas de deux ou trois éléments.
Ma pratique clinique et mes recherches m’ont amenée à pouvoir, à l’heure actuelle, diagnostiquer les structures psychiques qui composent un génogramme dans une affaire familiale à partir d’une émission télévisuelle. En effet, les images et verbatim qui sont disponibles grâce à de telles émissions sont souvent suffisants. Il reste parfois des zones d’ombre, que je décline. Il est évident que la rencontre réelle avec les protagonistes et l’administration des outils de diagnostic de la personnalité restent le moyen le plus sûr de ne pas se tromper.
C’est en débutant ma carrière en prison, il y a vingt ans, que j’ai commencé à tenter de comprendre comment appréhender de manière précise la question de la structuration psychique d’un individu en lien avecson passage à l’acte. Depuis, je suis parvenue à dégager un modèle précis qui situe d’abord l’individu selon le type de rapport à la Loi qui est le sien. En effet, tel rapport diffère d’un être humain à un autre en fonction de sa couleur psychique.
Rapport à la Loi selon la couleur psychique
Il existe une multitude d’autres dimensions de l’existence au sujet desquelles les trois structures psychique diffèrent. Le flyer que j’ai édité, cité plus haut, donne un aperçu spécifique aux questions traitées dans le champ de la psychologie légale.
Affaire Daval
Prenons donc une première affaire, puisqu’elle est actuellement en cours de traitement par la justice française (la reconstitution vient d’avoir lieu, en présence des parents de la victime) : Alexia Daval est étranglée par son mari Jonathann au cours d’une dispute. Ce dernier dissimulera son corps en partie calciné sous des branchages dans un bois.
De mémoire, le documentaire qui m’a servi de base à l’analyse est celui de l’émission Chroniques criminelles (actuellement introuvable en ligne). Ce documentaire évoque également la deuxième affaire que j’analyserai, celle qui met en cause Amy Fisher dans une tentative d’homicide.
L’affaire Alexia Daval est très simple à analyser sur le plan clinique : Jonathann est rose (avant tout, c’est son immense fragilité psychique qui en atteste) et, selon mon hypothèse, Alexia est bleue. Alexia n’est pas rose, les photos d’elle en témoignent (oui, parce qu’il est possible de diagnostiquer la structure non symbolisante sur photos, je l’expliquerai dans mon ouvrage). Par ailleurs, il y a peu de chances qu’Alexia soit verte étant donné la personnalité de sa mère (la mère d’Alexia). Cette dernière est très présente dans les médias. Elle s’exprime régulièrement, ce qui permet de diagnostiquer une très probable structure bleue, qui plus est combative, facteur de protection pour sa descendance. Le père est moins présent mais il encadre son épouse. En premier hypothèse, je partirais du postulat qu’il est bleu également. Cette vidéo en ligne sur uTube est très intéressante à cet égard. On y voit Jonathann qui, comme face à toute situation qui rappelle les faits, est pris par l’émotion. Les roses émotifs n’ont pas de défenses contre l’effraction des pensées qui rappellent une douleur. Les parents d’Alexia montrent une plus grande capacité à se contenir.
Alexia Daval est donc tuée par son mari, manifestement au cours d’une dispute lors de laquelle il aurait été question de l’incapacité du couple à faire un enfant. Selon Jonathann, Alexia lui aurait reproché cela. Dans le documentaire, il est dit que des échanges électroniques attesteraient du fait que le couple se disputait à ce sujet, ou qu’Alexia le lui reprocherait. Il s’agirait néanmoins de vérifier quelle est la teneur exacte des échanges (ce qui, d’ailleurs, permettrait de vérifier mes hypothèses structurelles), pour savoir si effectivement Alexia reprochait à son mari le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant ou si elle lui en parlait plutôt avec déception. En effet, l’individu rose, ayant de grandes difficultés à prendre les responsabilités de la vie sur ses propres épaules (pour une question de structure, qui dépend d’une constitution neurobiologique spécifique), peut se sentir persécuté face à l’insatisfaction d’un conjoint.
Après le crime, Jonathann va donc commencer par le maquiller pour nier les faits. Il fera ensuite des aveux, puis se rétractera, à deux reprises au moins. Il se présentera en compagnie des parents de la victime dans les événements sociaux liés au drame. Où il se montre effondré, accablé par la situation… ce qui choquera grandement une fois qu’il sera démasqué.
Le drame du rose, c’est l’image, et son enjeu, éviter les coups de bâton. Jonathann ne voulait pas décevoir sa mère. Bien entendu, tout individu est susceptible de vouloir cacher la vérité, pour des raisons liées à sa structure propre. À un moment donné, un individu qui est passé à l’acte criminel, si cet acte n’était pas prémédité, doit se déterminer au sujet de la suite à donner à son acte : cacher la tragédie ou se rendre et avouer. Beaucoup cachent la vérité, invoquant pour eux-mêmes des arguments supérieurs pour le faire. La victime ne pouvant ressusciter, peu sont ceux qui voient l’intérêt d’aller en prison. D’autant que très peu d’individus qui tuent sont issus de la structure psychique dont l’économie est basée sur le sentiment de culpabilité (la structure bleue), sentiment qui conduit à un besoin d’être puni.
Affaire Fisher-Buttafuoco
Deuxième affaire : Amy Fisher tente d’assassiner Mary Jo Buttafuoco, l’épouse de son amant. En effet, le problème de la femme rose, c’est qu’elle ne comprend pas la notion de maîtresse (la position de maîtresse est une position qui requiert la capacité d’ambivalence, absente chez les sujets de structure rose, cf. mon article « Au pied de la lettre » pour appréhender cette notion). Elle estime avoir de la chance d’être tombée sur cet homme et elle ne saisit pas que cette double vieconvient bien à Buttafuoco et qu’il n’a pas l’intention de quitter sa femme et sa famille. En effet, l’homme vert ne présente pas les scrupules du bleu quand il s’agit de mener ladite double vie (ni d’ailleurs lorsqu’il est question de séduire et faire l’amour à une ado de 16 ans dans le cas de Buttafuoco).
Les amants Fisher et Buttafuoco s’exposent ensemble, des années après la tentative de meurtre, dans les médias américains. Cela répond à leur besoin narcissique. J’encourage le lecteur qui comprend l’anglais à s’intéresser aux visages, regards, attitudes corporelles et affectives et aux paroles des protagonistes (de multiples vidéos sont disponibles sur le web) : il se fera ainsi une idée de ce qui distingue les structures psychiques. Joey Buttafuoco a une grande gueule et se montre très narcissique. Quant à Amy Fisher, elle décrit les événements comme s’ils lui étaient tombés dessus et qu’elle n’en portait pas vraiment la responsabilité, ce qui est typique de la structure rose… mais sincère ! C’est bien ainsi que les sujets roses envisagent le monde : les événements se produisent à partir de ce qu’ils voient, et ils ne voient pas en eux-mêmes.
Affaire Bary
Évoquons à présent l’affaire Laurent Bary, présentée dans cette édition de Faites entrer l’accusé.
Laurent Bary a été condamné pour avoir tué sa femme Valérie à leur domicile en mars 2004. Il nie les faits. Il a simulé une scène de cambriolage peu crédible, qui questionne donc les enquêteurs, au motif qu’il aurait craint être accusé à tort du meurtre.
Plusieurs membres de la famille Bary prennent la parole dans le documentaire. Il est très clair pour moi que Chantal Bary, la mère de Laurent, est un sujet bleu qui n’est pas haut potentiel. Le fils de Bary, Kévin, est également un sujet bleu (probablement intense), ce qui semble être le cas également de Valérie, la victime. Tous les éléments penchent en faveur de cette configuration. Laurent Bary, quant à lui, est un sujet non symbolisant (rose). Il est assez rare que la seule analyse des photographies d’une personne permette de poser le diagnostic : pourtant, c’est le cas de Laurent Bary. Les autres éléments qui corroborent l’hypothèse (il s’agit en effet de toujours se baser sur un faisceau d’indices probants) sont décrits ci-après.
Bary a rencontré sa future épouse alors qu’il était brancardier dans la clinique dans laquelle ils travaillaient tous deux. C’est un ancien militaire passionné par les armes blanches. Valérie aurait été tuée à l’aide d’un couteau utilisé par son époux pour couper les volailles.
Laurent Bary s’était en effet installé à son compte pour élever des poulets. Son épouse l’aurait rejoint dans cette entreprise. Néanmoins, sur le plan financier, l’affaire ne prend pas comme prévu et le couple se retrouve avec près de 120’000 euros de crédits à rembourser. La situation est difficile, au point qu’à un certain moment Laurent Bary dort dans son camion et que Valérie cherche un appartement pour elle. Elle aurait eu le sentiment d’avoir tout sacrifié pour cette vie à la campagne alors que là n’était pas son souhait. Par ailleurs, des dissensions existent également au sujet des enfants.
Le génogramme décrit la situation familiale : quatre enfants, dont un enfant issu du couple ; les trois autres issus de l’union précédente de chaque parent. En particulier, pour une illustration parfaite de l’incapacité d’un sujet rose à appréhender correctement son rôle parental auprès d’un beau-fils, notons que Laurent Bary a trouvé pertinent de se rendre dans un poste de police pour porter plainte contre son beau-fils de douze ans, Thomas, pour propos diffamatoires. La policière en charge de la plainte a bien tenté de le dissuader et de lui proposer de privilégier des moyens éducatifs, mais il maintiendra sa demande de dépôt de plainte. Par ailleurs, il est fait état de brimades de la part de Laurent Bary à l’encontre de son beau-fils : il aurait lacéré ses baskets et volé ses livres scolaires.
Les enfants qui s’expriment dans le documentaire, soit Kévin et Laura, ne croient pas à la culpabilité de leur père. C’est également le cas de Chantal Bary, la mère du condamné. Elle dit : « Il aime trop ses gamins pour avoir fait une chose comme ça ». Sauf que ce type de passage à l’acte intervient comme une éruption non contrôlée et non préparée. Bien sûr, sans doute que Bary aurait préféré ne pas tuer son épouse, mais cela a été plus fort que lui.
Kévin estime que son père n’est pas quelqu’un de violent. Mais faut-il toujours l’avoir été pour commettre un tel crime ? Je pense à l’affaire Jean-Claude Romand (cet homme qui se faisait passer pour un médecin travaillant à l’OMS) qui n’avait pas non plus d’antécédents de violence mais qui a décimé l’ensemble de sa famille (et le chien). Et ceci, le psychiatre traitant qui a témoigné à la barre en faveur de Bary ne l’a pas compris. On ne s’improvise pas expert en matière de psychologie légale.
Pauvre Kévin qui ne veut pasentendre, parce que pour lui sans doute cela signifierait que son père est un monstre. Un monstre ou un malade ? Les gendarmes et les policiersle savent : s’il usent de la logique qui est la leur (propre), il ne résolvent pas les crimes. Les avocats et autres enquêteurs qui émettent des analyses basées sur « la façon dont on se comportenormalement », se trompent. Le crime, c’est affaire de trouble psychique (structure rose) ou de conséquences de tels troubles (structure verte). Lamajorité des crimes de sang (hors terrorisme) sont le fait d’individus de structure rose.
Quelques éléments encore pour pouvoir biencerner la personnalité du condamné : d’abord, il est question d’un homme qui aurait appris à utiliser les armes blanches au cours de sa carrière militaire. Sachez qu’il ne faut jamais laisser un individu de structure rose jouer à des jeux vidéo violents parce qu’il apprendra à tuer sans scrupules : il n’est pas capable de faire la différence entre le réel et l’imaginaire, et à prendre la distance nécessaire qui permet aux autres structures de jouer, de « faire semblant ».
À moment donné, le directeur d’enquête Claude Rousseau évoque le fait que Bary lui donne du « Mon adjudant ». Le journaliste pointe l’aspect « dur à cuire » de Laurent Bary. À mon sens, ce n’est pas cela qui se joue. Les structures psychotiques intelligentes présentent une élation narcissique et, chez eux, les règles de vie en société ne sont pas intégrées, ce qui fait que ces individus posent des actes qui sont à côté de la plaque mais que l’on prend pour des comportements de défi. Souvenez-vous que Jean-Claude Romand avait accueilli les experts psychiatres chargés de son évaluation en leur donnant du « Chers confrères » (alors qu’il n’avait jamais décroché son diplôme de médecin, pour rappel).
A la lumière des éléments contenus dans le documentaire qui fait état de l’affaire, et des connaissances cliniques apportées par la psychologie structurelle, il est clair que Laurent Bary a le profil psychologique pour avoir commis ce crime dans des circonstances qui sont compatibles avec les éléments physiques du dossier.
Elisabeth Philiponet, Avocate générale à la Cour d’Assises de Besançon, a raison à mon sens lorsque qu’elle estime que Bary s’est sans doute persuadé de son innocence. C’est l’œuvre de ce mécanisme bien connu que l’on repère chez les individus psychotiques : le déni de la réalité. Je ne parle pas de la négation. Le sujet ne nie pas un fait connu de lui : au contraire, son cerveau a zappé l’info. J’ai vu le déni à l’œuvre très clairement lors du suivi que j’ai mené auprès d’un jeune délinquant sexuel de structure rose. Malgré ses efforts à relire avec moi le jugement des faits pour lesquels il était incarcéré, il s’est montré proprement incapable de s’en souvenir.
Bary convainc sa famille et d’autres protagonistes parce qu’il est convaincu lui-même de son innocence. C’est si typique, dans les affaires psycho-légales, de rencontrer ce tableau. En matière de protection des mineurs, c’est ainsi que les juges se fourvoient si fréquemment (pour un point sur cette question, exemple à l’appui, voir cet article).
Hypothèse conclusive : Bary aurait pu le faire et il semble bien que ce soit lui. Ce qui intrigue les enquêteurs et les journalistes, c’est le sang-froid dont il fait preuve. Laurent Bary possède à mon sens la même structure psychique que Jean-Claude Romand. Ces deux affaires ma rappellent un autre suivi que j’ai mené avec un homme qui avait failli tuer sa maîtresse avec une barre de fer. Au contact, ces personnalités sont très étranges. Pour une description clinique, lisez le grand Claude Balier sur la psychose froide. Pour un aperçu immédiat, regardez plusieurs photos de ces deux hommes sur Internet. Vous comprendrez peut-être de quoi je parle…
L’affaire Romand ne doit pas être confondue avec l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, même si ce dernier est également accusé d’avoir tué les siens (femme et enfants ; pas ses parents comme l’a fait Romand). XDDL possède une structure verte. Et ce cher Monsieur a disparu dans la nature… Mon article consacré à Bertrand Cantat (Acte III) vous en apprendra davantage sur la structure verte.
A moins que nous puissions déjà nous pencher davantage sur le sujet avec le meurtrier de Magali Delavaud… Encore un conjoint qui tue sa compagne. Mais, cette fois, l’individu n’est pas de structure rose.
Affaire Magali Delavaud
En novembre 2014, Magali Delavaud est retrouvée morte dans sa voiture calcinée, dans un ravin. Après avoir tenté de dissimuler son acte, son compagnon Jérôme Faye passera aux aveux en expliquant qu’il l’a tuée lors d’une dispute au sujet de l’éducation de leur fils, dispute qui aurait dégénéré.
Le crime a été maquillé de façon bien organisée. L’individu est donc quelqu’un de bien organisé psychiquement. Jérôme Faye présente une bonne capacité intersubjective, capacité qui lui permet de valider son innocence et mettre les enquêteurs sur une fausse piste. Il utilise sa capacité intersubjective au point qu’il anticipe la découverte de l’existence de sa maîtresse par les enquêteurs en parlant à la famille de Magali d’une relation uniquement platonique avec cette femme.
Selon les informations données dans le documentaire, Jérôme aurait montré de la jalousie face au fait que Magali s’occupait davantage de leur enfant que de lui : c’est typique de la structure verte que de se sentir en compétition avec sa propre descendance et de confondre le soin donné par une mère à son enfant et celui donné par une femme à son conjoint. En outre, les proches de Magali sont d’accord pour dire que Jérôme pouvait rabaissersa compagne en public : typique du vert également.
En garde à vue, acculé, Jérôme Faye avoue. Ainsi, avant cela, il avait nié les faits. Pas dénié : il a toujours su qu’il mentait.
Il a étouffé cette femme. Manifestement un crime non prémédité là aussi. Alors, une fois sa compagne morte, que faire ? Il dira aux enquêteurs qu’il a pensé à se tuer, mais en fait il est dès après la mort de la mère de son enfant en train de préparer un alibi en envoyant des SMS à la victime…
Coup de théâtre durant le procès : un problème somatique chez Magali serait la raison qui a précipité sa mort. Je doute qu’un homme bleu aurait accepté d’opposer cette défense à son ex belle-famille…
Jérôme Faye est condamné à 25 ans de réclusion criminelle pour meurtre… Une lourde peine en comparaison à d’autres situations. En effet : il semble que Jérôme Faye soit condamné également pour sa capacité de ruse.
L’affaire Prevosto, dans laquelle un policier tue lui aussi sa femme, présente très probablement la même configuration sur le plan des couleurs psychiques (Jacques Prevosto est vert, Marie sa femme était bleue).
Amanda Knox
J’évoquerai enfin une dernière affaire, que je ne déclinerai pas dans le détail, et qui fait l’objet du documentaire Netflix sorti en 2016 Amanda Knox. Lors de son séjour en Italie, la colocataire d’Amanda Knox est assassinée et, du fait de son comportementjugé inadéquat au vu de la situation, Amanda passera pour la coupable idéale. Pas étonnant, puisque cette femme présente une structure rose. Ainsi : Amanda Knox aurait pu commettre le crime. Mais, manifestement, ce n’est pas elle qui l’a commis. Condamnée en 2009, elle sera définitivement acquittée en 2015.
Regardez l’interview du coupable présumé (qui ne reconnaît pas les faits) dans cette émission (la première partie est ici) qui est passée sur la Rai3 : c’est trèsintéressant… Si vous voulez vous coller à l’exercice, j’attends votre proposition diagnostique de Rudy Guede par mail (écrivez-moi via le formulaire de contact).
Par ailleurs, j’ai l’intention de me pencher sur l’analyse de personnalité des « amants diaboliques », Aurore Martin et Peter Uwe. Accusés du meurtre du mari de Madame. Quelque chose me dit qu’ils forment un couple mixte (en couleurs)…